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Mr Bensouda, le maire de la Municipalité de Kanifing, interrogé sur la légitimité des décisions du Conseil et sur le contentieux avec la Présidente Directrice Générale (PDG)

Sep 18, 2025, 12:50 PM

Les profondes dissensions au sein du Conseil Municipal de Kanifing ont été mises à nue lors de l’apparition du maire Talib Ahmed Bensouda devant la Commission d’Investigation sur les Administrations Locales. Mr Talib Ahmed Bensouda témoignait sur des sujets concernant la légitimité de décisions budgétaires, les conflits d’autorité et les allégations de corruption.
Ces audiences ont non seulement fait la lumière sur le mode de gestion financière du Conseil, la gestion des projets financés par les bailleurs de fonds, mais ont également abordé les crises internes de leadership, exposant ainsi ce que le conseiller juridique de la Commission d’Investigation sur les Administrations Locales a dépeint comme étant un signe incontestable démontrant l’échec du système de gouvernance dans la municipalité de Kanifing.
 La décision de changer les signataires sur les comptes bancaires du Conseil de la Municipalité de Kanifing au cours d’une période durant laquelle les positions de Président Directeur Général et de Directeur du Budget étaient vacantes a été au centre du témoignage du maire du Conseil de la Municipalité de Kanifing. Il a été révélé que le Président Directeur General adjoint et le Directeur par intérim du Budget avaient dépêché une correspondance à la banque en vue de changer les signataires, et ce, en dépit des dispositions de la Loi sur l’Audit des Finances des Administrations Locales 2004. La loi prescrit clairement que le Président Directeur Général et le Directeur du Budget sont les seuls signataires autorisés, tandis que le Directeur Administratif n’est sensé apposer sa signature qu’en cas d’absence du Président Directeur Général et du Directeur du Budget.
 Le conseiller juridique principal de la Commission d’Investigation sur les Administrations Locales a harcelé le témoin de questions, faisant remarquer que la loi n’autorisait aucunement des personnalités occupant des positions d’adjoint ou d’intérim à assumer une telle responsabilité. Mr Bensouda, toutefois, a rétorqué que les adjoints ou personnes occupant des rôles à titre d’intérim normalement assument les responsabilités de leurs supérieurs hiérarchiques lorsque ces fonctions sont vacantes. « La loi est très claire et très explicite, » a répliqué le conseiller juridique principal de la Commission d’Investigation sur les Administrations Locales, insistant que permettant la signature de personnalités non-autorisées est une démarche irrégulière.
L’audience a pris une tournure beaucoup plus complexe lorsque le rôle des bailleurs de fonds a été examiné. Les projets financés par les bailleurs de fonds, tel que le Projet de Régénération Environnementale de Kanifing de l’Union Européenne, nécessitent souvent la signature conjointe des directeurs et managers de projet. 
 Selon le maire du Conseil de la Municipalité de Kanifing, cet arrangement avait été discuté et adopté par le conseil, mais le conseiller juridique principal a signalé que la loi ne permet nulle exception pour les comptes comprenant les fonds issus des bailleurs de fonds. « Tous les comptes bancaires du conseil de la Municipalité de Kanifing » sont englobés dans le même cadre juridique, a stressé le conseiller juridique principal, ajoutant que même les subventions et fonds de financement de projet sont considérés par la loi comme étant des recettes mobilisées par le Conseil.
Mr Bensouda a soutenu que la rigidité de la loi entre souvent en conflit avec les conditions imposées par les bailleurs de fonds internationaux, contraignant ainsi le Conseil Municipal de la Municipalité de Kanifing à entrer dans des « zones grises » où, selon ses propres paroles, « l’aspect le plus important est la mise en œuvre de ces projets, et ce, pour le plus grand bien de tous. » Le conseiller juridique principal a contesté cette affirmation, raisonnant que la loi doit toujours surpasser les demandes des bailleurs de fonds si celles-ci contreviennent aux lois de la Gambie.
 Les débats ont ensuite touché le cas concernant l’ancienne Présidente Directrice Générale, Mme Sainabou Martin Sonko, suspendue par le Conseil de la Municipalité de Kanifing en 2021 suite à des allégations de fraude. Le Conseil de la Municipalité de Kanifing a basé sa décision sur l’article 43 de la Loi sur les Administrations Locales, qui met le ou la Présidente Directrice Générale sous la direction et supervision du Conseil. Le conseiller juridique principal a toutefois argumenté que la prise de mesures disciplinaires est la prérogative exclusive de la Commission de Régulation des Administrations Locales.
La Commission de Régulation des Administrations Locales, qui avait été démunie de son autorité à cette époque due à des interférences par le Ministère des ressources Foncières, n’a répondu à la correspondance du Conseil Municipal de Kanifing qu’en 2023. Entre-temps, la justice avait été saisie de cette affaire, et Mme Sonko a éventuellement été réhabilitée suite à la levée de l’ordonnance du tribunal. Son retour a cependant déclenché une période d’instabilité car le personnel s’est montré réticent à travailler pour elle, conduisant à ce que le témoin a qualifié comme étant un « fracas » de plus au sein de l’institution. Le témoin a révélé.
Le conseiller juridique principal s’est interrogé si la décision du Conseil Municipal de Kanifing de s’appuyer sur l’article 43 avait été bien fondée. « Cela serait une interprétation majeure, » a tranché le conseiller juridique principal, notant que la loi fournit des dispositions spécifiques sur les nominations et la prise de mesures disciplinaires à travers la Commission de Régulation des Administrations Locales. Mr Bensouda a défendu les actions du Conseil, déclarant que leurs décisions avaient non seulement été prises de bonne foi, mais qu’elles avaient également été basées sur avis juridique. « Il est de notre droit de procéder à la suspension de la Présidente Directrice Générale » a-t-il déclaré, « car elle exerce sous notre direction et supervision. » La commission a été toutefois rappelée qu’en cas d’imbroglios juridiques, les dispositions spécifiques prennent le dessus sur les dispositions générales, et il est possible que le Conseil Municipal de Kanifing ait outrepassé ses droits.
Le sujet concernant la nomination des adjoints a également été abordé. Mr Kajali Jange, Président Directeur Adjoint, et Mr Sheriff Njie, qui a exercé en tant que Directeur du Budget par intérim, ont assumé respectivement les fonctions de Président Directeur Général et de Directeur de Budget pendant la période de crise au sein du Conseil Municipal de Kanifing. Le conseiller juridique principal a demandé si le Conseil Municipal de Kanifing était autorisé par la loi à leur attribuer des responsabilités excédant leurs fonctions nominales sans l’approbation de la Commission de Régulation des Administrations Locales. Le témoin a fait référence aux résolutions et à l’autonomie du Conseil Municipal de Kanifing, mais le conseiller juridique principal de la Commission d’Investigation sur les Administrations Locales a insisté que les nominations et promotions sont la prérogative exclusive de la Commission de Régulation des Administrations Locales.
Les débats ont encore pris une autre tournure lorsque le témoignage de Mr Bensouda a abordé les allégations de corruption contre l’ancien maire adjoint, Mr Pa Musa Bah. La Commission d’Investigation sur les Administrations Locales a été informée que Mr Pa Musa Bah aurait sollicité une commission d’un montant de 400.000 dalasis auprès d’Ecotech, une compagnie en partenariat avec le Conseil Municipal de Kanifing. Un enregistrement-audio montrant l’ancien maire adjoint demandant apparemment un paiement a été produit. Apres avoir été informé de cet incident, le maire a convoqué une réunion, au cours de laquelle les membres du Conseil Municipal de Kanifing ont écouté l’enregistrement-audio. Mr Bah a rejeté cette allégation, affirmant que cet enregistrement-audio avait été confectionné de toutes pièces grâce aux techniques d’Intelligence Artificielle. Mr Bah a démissionné plus tard de son rôle de maire adjoint, bien qu’il ait conservé son poste de conseiller municipal.
Le conseiller juridique principal a demandé pourquoi le Conseil Municipal de Kanifing avait été aussi prompte à procéder à la suspension de Mme Sonko, la Présidente Directrice Générale, mais a manqué de prendre des mesures similaires à l’encontre de Mr Bah. Mr Bensouda a précisé que Mr Bah, en tant qu’élu, ne tombait pas sous la juridiction de la Commission de Régulation des Administrations Locales, rendant ainsi son cas un peu plus compliqué. Le Ministère a pris en charge l’investigation mais a conclu qu’il n’existait aucun témoin indépendant pour corroborer ces allégations. Le conseiller juridique principal a toutefois soutenu qu’en raison de l’existence d’un enregistrement-audio, la police aurait due être saisie de cette affaire, et ce, conformément aux dispositions de la Loi sur les Administrations Locales, qui prescrit les mesures à prendre contre les représentants élus accusés de fraude et de malhonnêteté. Le témoin a répondu que des affaires précédentes qui avaient été signalées à la police ont souvent été renvoyées au Conseil Municipal de Kanifing, les laissant ainsi dans une impasse.
Cette inconsistance a incité le conseiller juridique principal à observer que le Conseil Municipal de Kanifing « a toujours opposé une vive réaction » lors d’interférences par le Ministère dans d’autres affaires, mais dans le cas précis de Mr Bah, le Conseil Municipal de Kanifing s’en est remis aux conclusions du Ministère. Le témoin a insisté que les deux cas étaient différents  dans la mesure où Mme Sonko a reconnu certains faits, tandis que Mr Bah a rejeté toutes les allégations et que le Ministère a conclu qu’il n’existait aucune preuve.
 
La présidente de la Commission d’Investigation sur les Administrations Locales, Mme Jainaba Bah, a également émis des doutes sur le mode de gestion financière et de mise en œuvre de projets au sein du Conseil.
La suite du témoignage du maire du Conseil Municipal de Kanifing a confirmé qu’aucune étude de faisabilité ou d’évaluation des procédures de rigueur n’avait été menée avant la mise en œuvre de projets majeurs et l’octroi d’emprunts, notamment les contrats signés avec Espace Motors et Ecotech. Dans un cas spécifique, le procès-verbal d’une réunion du Conseil a montré la décision d’attribuer des prêts d’un million de dalasis à des start-up dans certains quartiers, mais le budget a indiqué plus tard un montant de 1.5 millions de dalasis, et ce, sans qu’aucune explication ne soit fournie pour cette altération. Les paiements pour le service de la dette ont apparemment été utilisés pour l’acquisition d’instruments de gestion de déchets, et ce, sans l’allocation des budgets supplémentaires adéquats.
Au cœur de l’audience, se trouvait la tension entre la loi et la pratique. Tandis que le Conseil Municipal de Kanifing a insisté avoir agi selon ses pouvoirs en vue d’assurer le fonctionnement du Conseil pendant les moments de crise, le conseiller juridique principal a constamment indiqué que la loi est catégorique et ne souscrit nullement à l’improvisation. Le verdict de la Cour Suprême dans l’affaire opposant le Conseil Municipal de Kanifing au Ministère des Ressources Foncières a été mentionné. Dans ce verdict, la Cour Suprême a dénoncé l’interférence du Ministère des Ressources Foncières mais a réaffirmé la prérogative exclusive de la Commission de Régulation des Administrations Locales sur les nominations et prises de mesures disciplinaires.