Gerald
Knaus, l’homme à l’origine de l’accord UE-Turquie, souhaite également conclure
des accords avec les pays africains. Entretien sur la frontière la plus
meurtrière du monde, le non-sens des quotas de réfugiés et l’hypocrisie de
l’extrême droite. “Nous ne réussirons jamais à renvoyer tous ces Africains.”
Gerald
Knaus ne donne pas d’interview, mais un cours de maître. Knaus est devenu
mondialement célèbre en Europe en 2016 pour avoir pensé l’accord de migration
entre l’Union européenne et la Turquie, et il reste l’un des experts les plus
éminents d’Europe en matière de migration.
Bien
qu’il soit un ardent défenseur des valeurs libérales, Knaus plaide surtout pour
le pragmatisme. “Il n’y a aucun sens à proposer des solutions pompeuses
impossibles à mettre en oeuvre”, souligne-t-il. “L’Europe agit toujours à la
manière d’un balancier. Nous voyons un problème humanitaire, nous nous
concertons, nous trouvons une demi-solution, un peu moins de gens se noient et
à nouveau, nous lâchons tout. Nous avons toujours la frontière la plus
meurtrière du monde, nous ne réussissons pas à régler la situation sur les îles
grecques, nous n’avons toujours pas d’accord avec les pays africains pour
renvoyer les demandeurs d’asile qui ont épuisé tous les recours juridiques. La
politique européenne d’asile est au point mort depuis quatre ans.”
Il
revient d’un voyage d’études à Braunschweig, en Basse-Saxe. Il y était à l’invitation
de l’Église luthérienne locale pour discuter de la politique migratoire. “Cette
Église finance l’une des nombreuses ONG allemandes qui organisent des
opérations de sauvetage en Méditerranée. Elle voulait discuter avec moi de la
meilleure façon de le faire. J’accepte presque toujours de genre invitations”,
raconte Knaus avec un enthousiasme sincère. “À Braunschweig, j’ai discuté avec
des gens du centre d’asile, et avec la police locale. C’est extrêmement utile.
Cela confronte mes idées académiques avec la réalité. Le succès de
l’intégration de tous les migrants et réfugiés arrivés en Allemagne ces
dernières années est déterminé dans des villes moyennes comme Braunschweig. Pas
à Berlin.”
Le
financement de bateaux de sauvetage n’entraîne-t-il pas un effet d’aspiration ?
Ah,
la question à dix millions ! Vous avez un petit instant? (il ouvre son
ordinateur portable et dépose quelques gros dossiers remplis de statistiques et
de documents sur la table) D’abord et avant tout : le premier bateau de
sauvetage pour aider les migrants a été déployé en 2013. Durant les vingt-cinq
années précédentes, environ 14.000 personnes se sont noyées en tentant de
traverser la frontière. Donc ceux qui disent que ce sont les ONG qui ont causé
la crise ont tort. En même temps, le nombre de noyades a augmenté de façon
spectaculaire depuis les opérations de sauvetage, vous ne pouvez le nier.
Durant Mare Nostrum, l’opération de l’armée italienne, on a secouru plus de
migrants que jamais. Mais il n’y a jamais eu autant de noyés qu’alors.
Je
suis toujours estomaqué quand je parle à des amis d’ONG. Comment pouvez-vous
prétendre que les bateaux de sauvetage n’ont pas d’effet d’attraction ?
Beaucoup de jeunes migrants africains à qui j’ai parlé m’ont dit qu’ils
s’étaient aventurés à traverser l’océan parce que leurs amis leur avaient dit
qu’ils avaient été secourus en mer.
Était-ce
mal d’organiser des sauvetages en mer ?
Le
problème n’était pas que les gens étaient sauvés. Le gouvernement de
centre-gauche de Matteo Renzi a paniqué. Le gouvernement, qui avait d’abord
déployé l’armée pour sauver les migrants, a soudainement tourné à 180 degrés et
a passé un accord avec le gouvernement libyen et les garde-côtes, qui étaient
bien connus pour emprisonner, violer et torturer les migrants. C’était une
erreur énorme, tant en termes de gestion que de politique. Ce virage a fait de
Matteo Salvini, le leader de l’extrême droite Lega, l’homme politique le plus
populaire en Italie. Lui seul est resté crédible, car il a toujours été contre
les bateaux de sauvetage.
On
pourrait dire que Salvini a résolu la crise migratoire.
Oui,
mais il l’a fait en sapant un principe fondamental de la civilisation humaine :
qu’il faut faire tout ce qui est en son pouvoir pour sauver les gens. Nous
appliquons ce principe même en temps de guerre. Et, bien sûr, nous renvoyons
les gens en Libye, où ils courent un risque élevé d’être torturés. Salvini n’a
pu le faire que parce que le centre-gauche a commencé et a brisé le tabou. De
plus, 1400 personnes se sont noyées l’année dernière. C’est énorme.
Salvini
ne parvient pas non plus à renvoyer les migrants entrés illégalement. Sur les
181.000 migrants arrivés en Italie en 2016, 100.000 venaient de six pays
africains : le Nigeria, la Gambie, le Sénégal, la Guinée, la Côte d’Ivoire et
le Mali. Seuls 2% d’entre eux ont obtenu l’asile. Mais comme l’UE n’a pas
d’accords avec ces pays d’origine, les 98.000 autres sont simplement restés
ici. C’est la grande hypocrisie de l’extrême droite, qui nous demande toujours
d’être plus durs et de renvoyer tout le monde : on ne peut tout simplement pas
le faire sans l’aide des pays d’origine. Vous avez besoin de documents,
d’autorisations d’atterrissage, d’aide à l’identification.
J’ai
voyagé en Gambie plusieurs fois l’année dernière. Je suis convaincu que c’est
là que réside la clé pour résoudre le problème de la migration.
Pourquoi
la Gambie?
Parce
que la question des migrations y est à l’agenda politique. On estime que ces
quatre dernières années, un millier de Gambiens se sont noyés en Méditerranée.
Pour une population d’à peine deux millions d’habitants, c’est énorme. C’est
comme s’il y avait eu une guerre. Chaque famille gambienne connaît quelqu’un
qui est mort. L’actuel président (NDLR : Adama Barrow) a déjà été expulsé
d’Allemagne. J’ai parlé à un ministre gambien dont le fils se trouve
actuellement dans un camp de réfugiés italien. En Gambie, la migration illégale
est un traumatisme national.
Que
pouvons-nous attendre de la part des Gambiens ?
Leur
pays doit devenir un partenaire pour mettre fin à la migration irrégulière.
Cela peut se faire d’abord et avant tout par la dissuasion. Il existe des ONG
locales telles que Youth Against Irregular Migration, un groupe d’anciens
demandeurs d’asile qui demandent instamment aux jeunes Gambiens de ne pas tenter
la traversée. Cela fonctionne très bien : de moins en moins de Gambiens vont en
Libye.
En
même temps, la Gambie refuse de reprendre les migrants qui sont déjà en Europe.
(hoche
la tête) En 2018, l’Allemagne a réussi à reprendre 144 Gambiens. En proportion,
aucun pays africain ne reprend autant de migrants. Les Allemands pensaient donc
avoir trouvé une solution. Mais lorsqu’ils ont renvoyé vingt personnes en
février, une tempête de protestations a éclaté en Gambie. En conséquence, le
gouvernement a imposé un moratoire sur tous les vols d’expulsion.
À
quoi doit ressembler un accord avec la Gambie ?
Nous
devons veiller à ce que les Gambiens puissent venir ici légalement, par exemple
par le biais de bourses d’études ou de permis de travail. En retour, la Gambie
doit promettre de reprendre les personnes qui ont épuisé tous les recours
légaux ou qui commettent des crimes ici.
La
Gambie est-elle prête à reprendre ses criminels ?
Absolument.
J’ai eu des entretiens avec des ministres qui m’ont confirmé devant les
caméras: “Si nos habitants commettent des crimes en Allemagne, l’Allemagne a le
droit de le renvoyer”.
Mais
en échange...
...
l’Allemagne doit accepter que les “bons” puissent rester ici, oui.
Il
doit y avoir une date de début. À partir de ce moment, nous assurerons une
procédure d’asile rapide et la Gambie reprendra les Gambiens qui ont épuisé
tous les recours légaux. Toute personne ayant séjourné en Allemagne avant cette
date sera autorisée à y rester.
Vous
plaidez donc pour une régularisation massive ?
Je
plaide pour le réalisme. Il y a environ 10.000 Gambiens qui vivent en Allemagne
aujourd’hui. En 2018, nous avons rapatrié 144 Gambiens, en 2019, ils seront
encore une trentaine. À ce rythme, il faudra 60 ans pour renvoyer tous ces
migrants, et ce, seulement s’il n’y a pas de personnes en plus. Et c’est juste
les Gambiens ! (soupir) La politique migratoire européenne est basée sur des
clichés et de fausses hypothèses. Nous ne parviendrons jamais à renvoyer tous
ces Africains qui sont venus ici ces dernières années.
Une
telle régularisation de masse donne un signal ambigu : “Venez en grand nombre
et vous serez régularisés.”
Quelle
est l’alternative ? Serait-il préférable, comme aujourd’hui, de laisser des
centaines d’Africains sans aucune perspective de statut protégé dans
l’incertitude? En fin de compte, vous obtenez une communauté qui vit dans
l’insécurité et la pauvreté, qui ne peut pas travailler, qui ne peut pas
répondre aux attentes des familles dans leur pays d’origine. Supposons que
quelqu’un de cette communauté puisse gagner de l’argent en vendant de la
drogue, par exemple. Pourquoi ne le ferait-il pas ? Il n’y a certainement
aucune chance qu’il ou elle soit renvoyé(e). Tel est le scénario de rêve de
l’extrême droite, qui peut répéter à l’envi: “Les demandeurs d’asile ne
travaillent pas et sont criminels”.
Selon
les règles de Dublin, ils doivent suivre la procédure dans le pays d’arrivée.
Généralement, c’est l’Italie.
Ces
transferts de Dublin ne sont rien d’autre que du théâtre politique coûteux. C’est
un travail extrêmement désagréable pour la police, qui doit souvent effectuer
des raids nocturnes pour arrêter les demandeurs d’asile. Et c’est complètement
inutile, parce que ces gens sont de retour en Allemagne une semaine plus tard.
D’autres
pays africains sont-ils également intéressés ?
Je
sais qu’il y a déjà de l’intérêt au Nigeria. La Gambie pourrait être un projet
pilote. Si d’autres pays africains voient que cela fonctionne et qu’il y a des
avantages pour eux aussi, ils se joindront à nous. Fondamentalement, nous
l’utiliserons pour envoyer un message de dignité. L’Europe reconnaîtra que nous
ne considérons pas les migrants africains comme des criminels, que nous voulons
les traiter avec dignité et que nous ferons tout notre possible pour les empêcher
de mourir en Méditerranée. Leur donner un moyen de venir ici légalement, c’est
donner à leur gouvernement une raison de faire ce qu’il faut. Et surtout, vous
cessez les tentatives de traiter les migrants dans l’UE aussi mal que possible,
dans l’espoir qu’ils se rendent dans un autre État membre.
Pensez-vous
que la croissance démographique de l’Afrique entraînera une nouvelle migration
massive ?
Il
n’y a jamais eu de migration massive depuis l’Afrique. Au cours de ces trente
dernières années, la population africaine a doublé, mais malgré ce doublement,
malgré le changement climatique et malgré toutes les guerres, la migration
annuelle vers l’Europe a à peine augmenté. Les taux d’entrée élevés de ces
dernières années étaient exceptionnels. Ils n’ont été causés que par
l’effondrement de l’État libyen, l’émergence de réseaux de contrebande et les
opérations massives de sauvetage. Nous sommes maintenant de retour en moyenne.
Nous devons donc continuer à sauver, mais nous ne devons pas nous arrêter là.
L’Europe
n’a-t-elle pas une position de négociation très faible vis-à-vis des pays
africains ?
(soupire)
Nous pensons toujours que ces pays veulent nous faire chanter, et ils pensent
que nous voulons les faire chanter. C’est juste de la diplomatie : chaque
partie a ses propres intérêts. Ensuite, nous négocions et essayons de trouver
une solution. Nous voulons que les pays d’origine reprennent les demandeurs
d’asile qui ont épuisé tous les recours légaux. Nous devons bien comprendre que
des pays comme le Sénégal, la Gambie ou le Maroc doivent aussi être capables
d’expliquer à leur population pourquoi ils coopèrent dans ce domaine. Ces pays
ne prendront pas le risque de manifestations à grande échelle juste pour nous
faire plaisir. Nous devons donc leur offrir quelque chose en retour.
Que
proposez-vous?
Les
déplacements sans visa devraient devenir beaucoup plus faciles. Par exemple, je
trouve absurde que nous n’ayons pas d’accord sur les visas avec le Maroc.
Ne
craignez-vous pas une énorme migration de Marocains si c’est instauré ?
En
2017, nous avons levé l’obligation de visa pour l’Ukraine. L’Ukraine est un
pays en guerre avec un peu plus de 40 millions d’habitants et son PIB par
habitant est inférieur à celui du Maroc. Le Maroc n’est pas en guerre et compte
moins d’habitants. Alors, pourquoi ne pas assouplir notre régime de visas ?
Pourquoi ne pas permettre aux Marocains de voyager sans visa pendant trois
mois, comme nous le faisons déjà pour les Serbes et les Ukrainiens ? Il ne
s’agit que de voyages, même pas de permis de travail. Et si nous constatons
qu’il y a trop de demandes, il suffit d’y mettre fin, non?
Que
contiendrait-il pour l’Europe ?
En
échange, nous demandons au Maroc de mettre en place un système d’asile crédible
et de reprendre les demandeurs d’asile déboutés. Ainsi, nous savons que les
Marocains ne seront pas maltraités si nous les renvoyons. De cette façon, nous
créerons un cercle de pays qui ont des règles et des normes et qui accueillent
les réfugiés dans la dignité. Cela nous donne l’occasion, en cas de nouvelle
crise des réfugiés, d’envoyer de l’argent au Maroc pour que les réfugiés
puissent y être accueillis.
Cela
fait penser à l’accord avec la Turquie.
Effectivement.
Jusqu’à présent, l’accord avec la Turquie a été la seule solution au problème
des réfugiés qui soit compatible avec les droits de l’homme.
On
envoie de l’argent à la Turquie pour garder les réfugiés là-bas ?
Cela
fait vraiment une différence ! Avec cet argent, les enfants vont à l’école et
nous nous assurons que les gens ont un toit au-dessus de leur tête. Nous
devrions le faire partout où il y a des réfugiés : au Liban, en Jordanie, mais
aussi en Ouganda, par exemple. Aujourd’hui, si vous n’incluez pas les
Palestiniens, il y a environ 20 millions de réfugiés dans le monde. C’est gérable,
parce que nous sommes plus riches que jamais. Mais l’Europe doit fonctionner
comme un phare et poser les jalons.
Êtes-vous
satisfait de la façon dont l’accord avec la Turquie est mis en oeuvre ?
Non.
L’accord avec la Turquie est sur le point de s’effondrer. Il est très probable
qu’il disparaîtra cet hiver, car nous ne pouvons pas résoudre la situation sur
les îles grecques. (se met en colère) Bien que ce problème soit parfaitement
gérable.Mes douze mois qui ont suivi l’entrée en vigueur de l’accord, 26.000
migrants sont arrivés sur les îles grecques. En 2015, parfois 10.000 personnes
sont arrivées en une journée. Et nous n’avons toujours pas réussi à mettre en
place une procédure adéquate.
Ne
créez-vous pas un nouvel effet d’aspiration si vous simplifiez cette procédure
? En Belgique, l’ancien Secrétaire d’État à l’asile et aux migrations Theo
Francken (N-VA) vient d’essayer de limiter le nombre de demandes d’asile par
jour grâce à un quota.
C’est
exactement ce qu’on ne peut pas faire. En réduisant la capacité de demande, on
exclut des personnes du système, où elles vivent dans l’incertitude, ne peuvent
être suivies et disparaissent plus rapidement. N’est-il pas dans l’intérêt de
tous qu’une demande soit traitée le plus rapidement possible, afin que ceux qui
n’ont pas droit à la protection puissent être renvoyés aussi rapidement que
possible ? Si vous voulez un système d’asile performant, vous devez augmenter
sa capacité.
Le
système actuel ne fait-il pas l’objet d’abus ? Certains avocats allongent la
procédure aussi longtemps que possible, de sorte que les gouvernements sont
obligés de régulariser à long terme.
C’est
pourquoi je suis favorable à l’implication des avocats dans la procédure. Les
Suisses ont conçu un système d’asile où les demandeurs d’asile bénéficient dès
le départ d’un avocat rémunéré par l’État, et c’est pourquoi je demande que des
avocats soient associés à la procédure. Cela permettra de présenter plus
rapidement une demande plus qualitative et d’accélérer la procédure de recours.
N’est-ce
pas extrêmement coûteux ?
En
Suisse, l’Union démocratique du centre, un parti d’extrême droite, a contesté
cette loi par référendum parce qu’il jugeait injuste que le gouvernement paie
des avocats pour les étrangers. Savez-vous ce qui s’est passé ? Trois Suisses
sur quatre ont voté en faveur du maintien de cet arrangement, car ils
comprennent qu’une procédure accélérée est dans l’intérêt de tous.
N’est-ce
pas ainsi que vous créez un business lucratif pour les avocats du droit d’asile
?
Bien
sûr, les avocats du droit d’asile sont un business. La médecine aussi, mais ça
ne veut pas dire qu’on n’a pas besoin de médecins. De plus, si un système est
dysfonctionnel, on ne peut pas blâmer les avocats qui suivent les règles.
Alors, réformez ce système. Et impliquez les avocats. C’est la seule façon de
progresser.
Comment
organiser le retour?
Le
point de départ doit être que les migrants n’essaient pas de venir ici parce
que la route vers l’Europe est si dangereuse.
Mais
nous devons renvoyer les demandeurs d’asile qui ont épuisé tous les recours
légaux, n’est-ce pas ? Sinon, pourquoi avons-nous une procédure ?
D’un
point de vue juridique et moral, il est clair que des personnes qui n’ont pas
besoin de protection sont renvoyées. Mais si la procédure dure des années, l’argument
moral disparaît. En Grèce, les demandeurs d’asile qui se présentent maintenant
ne verront pas leur demande traitée avant 2023.
L’accord
de Dublin ne devrait-il pas être réformé d’urgence ?
Ces
trois dernières années, nous avons perdu beaucoup de temps et d’énergie à
discuter de propositions qui ne peuvent fonctionner. Nous savons qu’un plan de
répartition obligatoire n’est pas possible, parce qu’il n’y a pas de contrôle
aux frontières. Et nous savons qu’il est inutile de renvoyer les migrants dans
le pays d’arrivée de l’UE parce qu’ils reviendront très vite. L’accord de
Dublin est très bon pour des pays comme l’Italie et la Grèce.
Que
pensez-vous de la proposition du président français, Emmanuel Macron, de
construire l’espace Schengen à partir de zéro, avec juste les pays prêts à
prendre leurs contrôles frontaliers au sérieux ?
Il
se trouve que j’étais au ministère français de l’Intérieur ce jour-là. J’y ai
demandé si Macron pensait vraiment que l’Allemagne envisagerait un jour de
reprendre les contrôles aux frontières avec la Pologne. Croit-il vraiment que
ce soit une bonne idée de tirer un trait sur la réussite européenne, le fait
que la Pologne et l’Allemagne n’aient pas de frontières ? Dans les années 1990,
les migrants se noyaient encore dans l’Oder à cause de cette frontière ! C’est
une pure illusion. La proposition de Macron va à l’encontre des intérêts
fondamentaux de l’UE.
Craignez-vous
que la zone Schengen soit mise sous pression ?
Non.
Regarde les Suisses. Ils auraient pu parfaitement fermer les frontières en
pleine crise migratoire. Pourtant, ils ne l’ont pas fait. Pourquoi ? Parce
qu’ils comprennent qu’il est plus intelligent d’y rester. Les revendications
des populistes de fermer les frontières sont totalement irréalisables. Le parti
populiste de droite allemand AfD a trouvé l’un ou l’autre professeur qui
propose de fermer notre pays avec un mur frontalier gardé par pas moins de
90.000 gardes-frontières. C’est de la folie. Avez-vous une idée du nombre de
migrants dont nous aurons besoin pour pourvoir tous ces postes vacants ?