La semaine dernière, un exercice d’évaluation d’une semaine a permis le recensement des habitants de la ville, située à la périphérie de Brufut, dans la région de la côte ouest. Lorsque nous nous sommes rendus sur place le quatrième jour, le jeudi 31 octobre 2024, des dizaines de personnes étaient rassemblées dans leur centre communautaire - composé d’une salle construite en blocs de ciment et au toit en tôle ondulée, ainsi que de deux tentes en toile garnies de chaises. Il porte toujours le puits historique aux parois de béton creusé par le Conseil Régional de Brikama et inauguré par l’ancien président Jawara et le vice-président Badara Njie, ainsi que par le chef Jerrehba Bojang et son frère Sanjally Bojang, en 1962, pour accueillir les résidents en Gambie.
Des fonctionnaires de la Commission Gambienne Pour les Réfugiés, de la Division de l’Apatridie du Département de l’Immigration de la Gambie et du bureau du Haut-Commissariat des Nations Unies Pour les Réfugiés dans le pays ont rempli les formulaires et mené les entretiens pour les questionnaires.
« Nous avons été les premiers enfants de cette ville il y a plus de cinquante ans. La plupart des fondateurs sont décédés, laissant derrière eux leurs enfants et petits-enfants. Je considère ces habitants comme des ressortissants dignes de ce nom, au même titre que n’importe quel autre Gambien », a déclaré Aminata. Son rôle lors de l’exercice consistait à aider à vérifier si des non-membres de la communauté tentaient de participer à l’exercice et de se faire enregistrer. Pour l’Alkalo de Brufut, Amie est la mémoire institutionnelle de Ghana Town, puisqu’elle réside elle-même dans la communauté.
« L’objectif de cet exercice est de quantifier le nombre de résidents confrontés à des problèmes de citoyenneté et de nationalité, une étape nécessaire pour combler les insuffisances des lois gambiennes sur la nationalité qui peuvent être comblées par le nouveau projet de constitution », a déclaré un surintendant en chef du Département de l’Immigration de la Gambie, Omar Camara, la personne de contact du gouvernement pour les personnes apatrides.
Mr Camara a révélé que la ville de Ghana Town avait été identifiée suite aux recommandations de deux ateliers de plaidoyer sur l’apatridie qui avaient ciblé les directeurs de cabinet de divers ministères, la sous-commission des législateurs sur l’aide humanitaire et les catastrophes de l’Assemblée Nationale, ainsi que d’autres parties prenantes.
« Ils vivent à Ghana Town depuis plus de 50 ans », a revelé Mr Camara. Selon la constitution ghanéenne, une personne qui n’est pas née au Ghana ne peut prétendre à la citoyenneté de ce pays. Si le fait d’être né de parents ghanéens pose des problèmes aux enfants nés à Ghana Town en Gambie, ce n’est pas le cas si l’un des parents n’est pas gambien. »
Alfred Nyarkoh, 47 ans, père de sept enfants et ingénieur, s’est exprimé au nom de la communauté et a révélé que lorsque leurs grands-parents sont arrivés en Gambie par bateau en 1958, ils ont résidé à Bakau pendant environ quatre ans. Ils ont cultivé une vie productive avec les communautés d’accueil, d’abord à Bakau puis à Brufut, avant de se voir attribuer de manière permanente par consensus entre les Alkalolu de Brufut, Jambur et Bakau une bande de terre boisée entre le village de Brufut et la mer qui est devenue Ghana Town.
La ville est devenue une vibrante communauté de pêcheurs, et d’autres membres de leurs familles s’y sont également installés. Ils contribuent aux activités de la communauté, notamment en soutenant l’éducation des enfants. La communauté compte aujourd’hui quatre écoles, de la maternelle à l’école primaire et à l’école élémentaire supérieure.
« Ils ont été régulièrement harcelés par le personnel du département de l’immigration, avec des descentes pour vérifier l’identité des étrangers et l’interruption de leurs déplacements en véhicule aux points de contrôle parce qu’ils n’avaient pas de carte d’identité nationale », précise Amie.
Elle vendait du porridge aux familles de Ghana Town depuis l’époque où elle était une fillette et où sa mère préparait ce repas qui était le préféré des enfants de cette communauté. Mme Sanneh a déjà passé 48 heures en détention par les services de l’immigration, qui la soupçonnaient d’avoir alerté les habitants de l’arrivée du personnel de l’immigration par son célèbre appel aux clients, « Monoo Haboo » - qui signifie que le porridge est ici en Afanting et Asanting, les dialectes des habitants - ce que les services de l’immigration ont mépris pour une alerte aux habitants contre eux.
Vers 2014, l’ancien président Yahya Jammeh a annoncé une directive selon laquelle les résidents devaient recevoir des cartes d’identité en tant que Gambiens. Cela n’équivaut pas au droit de vote dont ils jouissent dans le pays depuis les élections générales de 1960. Pourtant, la question de la nationalité est devenue un véritable cauchemar pour eux. La directive de l’ancien président Jammeh leur a apporté un soulagement temporaire puisque beaucoup ont obtenu des cartes d’identité et des passeports nationaux pour la première fois en Gambie.
La délivrance de documents nationaux n’était aucunement justifiée car elle n’était soutenue ni par la loi, ni par un acte de l’Assemblée Nationale. On espère maintenant qu’avec cet exercice, les lacunes qui ont conduit à de tels désagréments pour les résidents seront définitivement comblées, suite à une analyse des données collectées et un avis fourni au gouvernement pour action.
Le chef d’équipe de la Commission Pour les Réfugiés de la Gambie, Mr Ebrima Manneh, a qualifié l’exercice de satisfaisant, car les écoliers et les membres responsables de la communauté se sont tous présentés pour l’exercice d’enregistrement, dont le nombre est estimé à environ 300 à la matinée de jeudi. L’exercice ne visait que les personnes âgées de 18 ans et plus.
Mr Manneh a indiqué que l’évaluation est une réponse nationale à la Convention des Nations Unies de 1954 sur le Statut des Apatrides et à la Convention de 1961 sur l’Eradication ou la Réduction des Cas d’Apatridie, toutes deux signées volontairement par la Gambie. Il incombe donc au pays de prendre des mesures en due d’adhérer à ces conventions, et ce, par le biais de stratégies nationales telles que l’exercice en cours.
« La Gambie a l’obligation de mettre en place des cadres juridiques, réglementaires et politiques visant à réduire ou à éradiquer l’apatridie dans le pays. C’est pourquoi le HCR a lancé la campagne I-Belong pour atteindre ces objectifs d’ici décembre 2024 », a précisé Mr Manneh.