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Mr Baba Hydara témoigne dans le procès du Jungler Bai Lowe en Allemagne

Jun 24, 2022, 2:28 PM

Le procès de l’ancien conducteur de l’unité d’assassins d’élite, Bai Lowe, a repris son cours Lundi dans la ville de Celle, située à 42 km au nord de Hanover, en Allemagne. Cette reprise a été marquée par le témoignage du fils ainé du journaliste assassiné, Deyda Hydara.

Lowe, 46 ans, fait face à trois chefs d’accusation de crimes contre l’humanité perpétrés lorsqu’il était membre de l’unité d’assassins d’élite les ‘Junglers’. Cette unité d’assassins d’élite a commis de nombreux meurtres et actes de torture sous les ordres de l’ancien président Yahya Jammeh.

Les autorités allemandes ont arrêté Lowe l’année passée dans la ville d’Hanovre ou il résidait. Les autorités allemandes se sont basées sur le principe de la juridiction universelle pour traduire Bai Lowe en justice pour sa participation au meurtre de Mr Deyda Hydara en 2004, pour avoir conduit et aidé les Junglers à tuer le politicien de l’opposition Dawda Nyassi en 2006 et pour la tentative d’assassinat de l’avocat Ousman Sillah. 

Lors de son témoignage Mardi, Mr Baba Hydara, 45 ans, l’un des plaignants qui s’est constituée partie civile dans cette procédure judiciaire, a raconté les sinistres détails de l’assassinat de son père ainsi que les effets dévastateurs sur la famille.

Il a déclaré: « C’était le 16 Décembre 2004. J’étais étudiant à Paris à cette époque. J’ai reçu un appel au cours de la soirée de ma sœur Marie Pierre pleurant de manière inconsolable. Elle a dit ‘’ Ils ont tué papa ‘’. J’étais bouleversé et consterné car je n’avais jamais pensé qu’une telle chose pourrait se passer en Gambie. Ce n’est que quelques heures après que j’ai réussi à retrouver mes esprits… » 

« Notre père était notre seule source de revenus. Ma sœur et moi étions à l’étranger dans le cadre de la poursuite de nos études. Même avant sa mort, le journal traversait de graves difficultés financières. Il ne parvenait à subvenir aux besoins de la famille que grâce à son travail avec l’Agence France Presse (l’AFP) et Reporters Sans Frontières (RSF). La famille était donc dans une situation financière laborieuse à la suite de sa mort. J’ai été contraint d’abandonner mes études et de trouver un hébergement à la Maison des Journalistes de Paris. Ma sœur, heureusement, a obtenu la citoyenneté britannique. »

« Notre mère était en Gambie et n’hésitait nullement à critiquer ouvertement le Président. Nous avons dû, par souci pour sa sécurité et son bien-être, prendre des dispositions pour l’installer en Angleterre. Mon jeune frère Ismaila a été contraint de s’installer aux Etats Unis. La famille était dispersée. Une fois, je me suis rendu à Dakar mais j’ai été détenu à l’aéroport car les services secrets sénégalais avaient des appréhensions sur la nature de mes activités dans leur pays. J’ai dû rentrer à Paris. »

Il a déclaré que la douleur et la colère résultant de l’assassinat de son père est encore fraiche et candide. Ce n’est que cette année que ses deux frères, Ismaila et Deyda Jnr, ont pu visiter le pays tandis que sa mère et sa sœur n’ont pas encore fait leur retour au pays.

 

Junglers

Mr Baba Hydara a déclaré qu’avec la collaboration de Mr Leonard Vincent de Reporters Sans Frontières (RSF), des campagnes et investigations sur l’assassinat de son père avaient été entreprises. « Des rumeurs circulaient concernant son assassinat. Le nom de Sanna Manjang (un membre des Junglers) était régulièrement invoqué. Plus tard, nous avons entendu parler de Malick Jatta. J’ai appris bien plus tard qu’un certain individu du nom de Bai Lowe avait été interviewé par Pa Nderry M’bai sur les antennes de Freedom Radio. Mais je n’ai jamais ressenti l’envie ou le besoin d’écouter cette interview…  Nous avons appris ce qui s’était réellement passé que lors des audiences publiques de la Commission Vérité, Réconciliation et Réparations (TRRC). Plusieurs personnes, dont Oya (Omar A Jallow) et Malick Jatta, ont reconnu leur participation à l’assassinat de mon père. Grace à leurs témoignages, il nous était finalement possible de reconstituer les tristes évènements de cette nuit. »

 

La recherche de la justice

Mr Baba Hydara a déclaré que la recherche de la justice pour son père et les autres victimes de la brutalité  de l’ancien Président Yahya Jammeh est devenue le but de sa vie.

 

« J’ai dédié ma vie à la recherche de la justice. Je suis dans l’obligation de le faire. J’ai réalisé lors de mon retour en Gambie que d’autres familles avaient également été victimes des atrocités commises par le régime de l’ancien Président. Nous nous sommes alors rassemblés pour joindre nos forces et  créer le Centre des Victimes. Ce procès est la première étape dans le processus de la recherche de la justice. Ce qui se passe ici aura des résonnements dans toute la Gambie et dans le monde entier car il démontrera que l’impunité ne sera plus tolérée. C’est la première fois dix-huit années suite à l’assassinat de mon père que je suis dans un tribunal dans le cadre de la quête de la justice pour mon père. Ceci n’est que le début. Nous veillerons à ce que notre combat pour la justice ne s’arrête pas là. »

 

 

Volonté politique

 

« A la question des juges concernant son opinion sur la volonté du gouvernement de la Gambie de poursuivre les auteurs de ces crimes tel que recommandé par la Commission Vérité, Réconciliation et Réparations (TRRC)  et accepté dans le livre blanc du gouvernement, Mr Baba Hydara a déclaré : « Accepter ne signifie nullement que ces recommandations seront mises en œuvre. Raison pour laquelle nous, les victimes, faisons tout ce qui est en notre pouvoir pour s’assurer que le gouvernement tiendra ses promesses. »

 

 

Lors des audiences de la cour, Bai Lowe, qui est en détention préventive, était présent avec ses avocats. Lundi, Mr D’Angelo, qui avait interviewé Bai Lowe dans le cadre de sa demande d’asile au Bureau Fédéral Allemand de la Migration et des Refugiés, a témoigné.

 

Actif

 

Les procureurs ont décidé récemment de prendre l’initiative de lancer des poursuites judiciaires, et ce, en se basant sur le principe de la juridiction universelle, contre des personnes résidant en Allemagne accusées d’avoir commis des crimes contre l’humanité dans leur pays d’origine.

 

Récemment, un ancien membre de l’Etat Islamique, un docteur Syrien et membre de la police sécrète de ce pays du Moyen Orient ont été condamnés pour des crimes graves.

Le procès de Bai Lowe se poursuivra jusqu’à l’année prochaine.