Des noms éminents tels que l'ancien chef de la majorité du Conseil des Forces Armées Révolutionnaires (APRC), Baba Jobe, l'ancien commandant en chef de la Garde Nationale, Almamo Manneh, et l'activiste de l'opposition, Solo Sandeng, ont été les principaux points forts du procès. Des anciens membres de l'Assemblée Nationale de l'opposition et un ancien capitaine des forces armées gambiennes figurent également sur la liste des témoins qui ont comparu contre l'ancien homme fort de Jammeh.
En janvier 2017, Sonko a été arrêté dans un centre d'asile suisse et est emprisonné depuis lors. L'affaire a été introduite devant les autorités suisses par l'ONG TRIAL International, basée à Genève. En vertu du principe de "compétence universelle", les crimes contre l'humanité peuvent être jugés même si l'accusé n'est pas ressortissant du pays dans lequel il a été arrêté. Le Ministère public de la Confédération a donc agi rapidement pour ouvrir une enquête sur les crimes d'exécutions extrajudiciaires, de disparitions, de tortures et de viols commis sous l'ancien dictateur gambien Yahya Jammeh, et sur la responsabilité de Sonko qui, en tant que ministre, a manqué de mettre fin à ces pratiques.
Dans le système juridique suisse, la procédure d'enquête est généralement longue et approfondie, tandis que les procès sont brefs. C'est ainsi que Sonko a été détenu pendant sept ans par les autorités suisses, le temps que les enquêteurs rassemblent des preuves et interrogent des témoins, tant en Gambie qu'à l'étranger, afin de préparer un acte d'accusation formel en vue de poursuites judiciaires. Au cours de cette période, des enquêteurs suisses du Bureau fédéral de la Police et du Bureau du Procureur Général se sont rendus à plusieurs reprises en Gambie dans le cadre d’une coopération judiciaire mutuelle. Plusieurs autres témoins ont été invités en Suisse en vue de témoigner contre Sonko.
Néanmoins, le procès qui a été ouvert la semaine dernière a recueilli la déposition de plusieurs témoins de la Gambie. Au premier jour du procès, lundi dernier, des actes d'accusation ont été lus à l'accusé Ousman Sonko, alors que le procès s'ouvrait officiellement par une série de déclarations officielles qui ont également donné l'occasion à Sonko de réagir à ces actes d'accusation. Son avocat a soulevé des objections aux nouvelles accusations, qui, selon les procureurs, sont basées sur de nouvelles informations. Il convient de noter que plusieurs autres plaignants ont également porté plainte contre Sonko en plus des actes d'accusation du procureur. L'avocat de Sonko s'est opposé à ces accusations lors d'une séance qui a donné lieu à des débats contradictoires tout au long de la journée. La Cour a ensuite pris une décision dans la matinée du deuxième jour (mardi), rejetant les objections de Sonko et ouvrant la voie aux poursuites.
Dans l'après-midi du deuxième jour, Sonko a été interrogé sur des informations personnelles telles que sa date et son lieu de naissance, sa résidence, son éducation, ses enfants, etc. La stratégie de l'accusation a ensuite consisté à classer l'affaire en plusieurs catégories : meurtres, assassinats, violences sexuelles telles que le viol, allégations de torture à la suite du prétendu coup d'État de mars 2006, sur la base de plusieurs témoignages et éléments de preuve. L'assassinat de Solo Sandeng en 2016, la torture de militants de l'opposition et l'assassinat de l'ancien chef de la majorité, Baba Jobe, ont également été évoqués.
Sonko, quant à lui, n'a pas assumé la responsabilité des crimes de torture et des meurtres qu'il aurait supervisés ou dont il aurait eu connaissance. Selon les procureurs, Sonko est responsable en tant que ministre chargé des forces de sécurité et avait le pouvoir de mettre fin à ces actes de torture, en particulier dans le cas de l'exécution des condamnés à mort de Mile 2, mais il a préféré garder le silence ou, selon les actes d’accusation, aurait tacitement approuvé ces pratiques. Sonko a nié avoir connaissance des crimes commis dans la prison et a rejeté la faute sur David Colley, qui était directeur des prisons sous son ministère. Pour prouver ses dires, l'accusation a invité deux fonctionnaires des services pénitentiaires de Gambie qui ont tous deux témoigné contre Sonko, affirmant qu'il était au courant de ces actes, qu'il donnait des instructions à cet effet ou qu'il les supervisait parfois lui-même.
Dans le cas d'Almamo Manneh, Sonko avait déclaré qu'il exercerait son droit de garder le silence. Mais il avait auparavant accepté de répondre aux questions de la Cour sur cet assassinat, lorsqu'il avait été interrogé à ce sujet au cours de l'enquête. Il a déclaré à la Cour qu'il était lié par la Loi sur les Secrets Officiels de la Gambie et qu'il ne parlerait pas de l'affaire Almamo Manneh. Les avocats des plaignants et des procureurs ont trouvé cette déclaration déconcertante et révélatrice du fait que Sonko était assis sur des tonnes de secrets dont il savait qu'ils l'incrimineraient s'ils étaient révélés. La Cour a néanmoins respecté le droit de Sonko de garder le silence sur cette affaire.
Un ancien capitaine des forces armées gambiennes a également déclaré avoir été torturé et forcé à rédiger une déclaration qu'il devait lire à la télévision comme une "annonce préparée" une fois que le prétendu coup d'État de 2006 aurait réussi. Cependant, le témoin a maintenu qu'aucune déclaration n'avait été préparée pour le prétendu coup d'État fatidique de mars 2006, comme cela a été dit au public gambien. De même, deux membres de l'Assemblée Nationale ont également témoigné avoir été torturés pour faire une déclaration sur leur implication présumée dans le coup d'État de 2006, mais ont maintenu leur innocence quant à ce prétendu coup d'État.
Alhagie Martin, Tumbul Tamba et Musa Jammeh ont été identifiés comme étant les tortionnaires, tandis qu'un comité chargé de mener des enquêtes sur eux a reçu des aveux suite à des actes de torture. Les membres de ce comité ont été identifiés comme étant Ousman Sonko, Momodou Hydara et Lang Tombong Tamba, entre autres.
L’affaire se poursuit.