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La Gambie parmi les pays les moins bien classés au niveau mondial en matière d’internet - Enquête

Jun 6, 2024, 1:24 PM

La Gambie a été classée parmi les 10 pays les moins performants au niveau mondial en termes de vitesse d’Internet et de qualité de réseau pour les citoyens, selon une équipe d’experts en logiciels et en technologie à Increditools

L’évaluation, qui s’appuie sur les données de vitesse du service Internet tirées de Speedtest.net, le groupe a entrepris un test et un examen approfondis des logiciels les plus récents, mettant l’accent sur la transparence, tout en luttant activement contre les fausses critiques positives sur la vitesse d’accès à l’internet dans le monde entier.

La Gambie a été classée avec des pays en proie à des conflits tels que le Niger, la Syrie et l’Afghanistan, tandis que Cuba, pays communiste, se trouve dans le même groupe et ne fournit en moyenne que cinq (5) mbps (mégabits par seconde) de vitesse d’accès à l’internet.

« Cuba a la connexion à haut débit la plus lente. Cela reflète l’accès restreint du pays aux réseaux mondiaux de télécommunications et le manque d’investissement dans l’infrastructure de service internet du pays. L’Afghanistan et la Syrie, deux pays touchés par des conflits de longue durée qui ont détruit leurs infrastructures, se situent également dans le peloton de queue. Tout comme les pays plus riches et plus développés ont dominé la liste des pays les plus rapides, il est évident que l’inverse se produit sur la liste des pays les plus lents, » révèle le rapport.

Selon le rapport, composé par des informaticiens et experts en technologie qui se consacrent à des évaluations impartiales et à des critiques constructives qui aident les consommateurs à prendre des décisions en connaissance de cause, « la mise en place d’une bonne infrastructure de service internet dans les grandes régions est délicate en raison des coûts élevés de l’installation des câbles et de la fibre optique ».

« Cette situation contraste avec celle des petits pays moins peuplés, qui peuvent être desservis par moins de câbles qui offrent des connexions au service internet rapides et abordables », ajoute le rapport, affirmant que ces réalités se reflètent dans le fait que des petits pays comme Singapour, Hong Kong, Monaco et l’Islande figurent parmi ceux qui ont les vitesses d’accès à l’internet les plus rapides au niveau mondial. 

« Parfois, les données envoyées depuis un pays doivent passer par d’autres régions ou continents pour atteindre leur destination. Les pays qui disposent d’un plus grand nombre de Points d’Echange Internet (IXP) gèrent mieux leur trafic Internet, évitant ainsi d’avoir à l’acheminer au niveau international, » poursuit le rapport.

Évaluation de la Gambie

Dans le cas de la Gambie, les analystes estiment qu’un marché de deux (2) millions d’habitants, desservi par quatre (4) opérateurs GSM et plusieurs autres Fournisseurs d’Accès à Internet (FAI), est un facteur déterminant pour les services à large bande dont bénéficient les citoyens.

Mr Omar Jabbie, expert en télécommunications et technologies et professeur des Technologies de l’Information et de la Communication (TIC) au Département d’Informatique de l’Université de la Gambie, commentant ce classement, a déclaré que la dimension géographique réduite de la Gambie pourrait être « une excuse bon marché pour obtenir une vitesse d’accès à l’internet plus élevée ». 

La vitesse du service internet dans un pays dépend plutôt des investissements dans l’infrastructure des télécommunications, de la technologie et des mécanismes réglementaires qui établissent des normes pour une vitesse de service internet plus rapide.

« Les frais liés à la technologie et à la réglementation, ajoutés aux taxes imposées par l’État, rendent l’entreprise très coûteuse pour les opérateurs qui s’attendent à un retour sur investissement et à une rentabilité. Nous reconnaissons que la dimension géographique seule ne suffit nullement, mais l’économie est également impérative, » a précisé Mr Jabbie.

Il a ajouté que la privatisation de la passerelle d’accès au service internet du pays et l’accès aux câbles sous-marins signifient également que l’implication du gouvernement dans la fourniture ou le soutien des investissements dans les dernières technologies à large bande détermine les coûts de la bande passante pour les sociétés de câbles sous-marins. C’est le cas du câble sous-marin Africa Coast to Europe (ACE) qui dessert les sociétés Internet de Gambie.

Dans ce cas, ces sociétés privées et multinationales, contrôlées pour la plupart par de puissantes entreprises occidentales, déterminent la qualité de la vitesse du service internet dont bénéficie un pays en fixant les coûts de l’accès à la large bande et les tarifs.

Il confirme également que la vitesse de la bande passante en Gambie varie actuellement de deux (2) à 6mbps ou 12mbps maximum, alors que d’autres pays offrent jusqu’à 50mbps. 

« Même lorsque les fournisseurs de services revendiquent une vitesse internet de 10mbps pour leurs clients, celle-ci n’est donnée qu’au niveau de la passerelle et est simplement partagée entre plusieurs fournisseurs d’accès à l’extrémité, ce qui explique la vitesse plus faible pour les utilisateurs finaux. 

Câble sous-marin (ACE)

Le directeur général de la Compagnie Nationale de Télécommunication (Gamtel), Mr Lamin Tunkara, explique que la relation entre GAMTEL, par exemple, et Africa Coast to Europe (ACE) est identique à celle de toutes les autres parties prenantes de l’industrie, car Gamtel dispose d’une capacité de 20 % (un total d’environ 50G). 

Gamtel était le principal investisseur et gestionnaire du projet ACE avant l’intervention de la Banque mondiale. Elle gère également les centres d’exploitation du réseau pour le compte de GSC sur la base de contrats. Dans le cadre du projet ACE, Gamtel, en tant qu’opérateur national, verse des redevances mensuelles au GSC, une société privée créée pour la gestion de l’administration des redevances mensuelles d’exploitation et de maintenance du projet ACE.

« Notre coût trimestriel moyen d’exploitation et de maintenance du GSC est de 55 000 dollars (3,7 millions de dalasis) pour Gamtel et de 40 000 dollars (2,7 millions de dalasis) pour Gamcel, soit un total de 95 000 dollars (6,4 millions de dalasis). Le coût réel de fonctionnement du bureau est de 2 millions de dalasis pour Gamtel et de 1,2 million de dalasis pour Gamcel chaque trimestre en tant que soutien budgétaire, tandis que la participation est de 20 % et 10 %, respectivement, » a révélé Mr Tunkara.

Les acteurs du secteur privé qui participent au GSC sont les suivants : Africell, QCELL, Netpage, Inet, Unique Solutions, COMIUM, etc., tandis que le secteur public est constitué du gouvernement - représenté par le Ministère de la Communication et de l’Economie Numérique - et de GAMTEL/GAMCEL. 54 % des parts du secteur privé sont détenues par le secteur privé, tandis que la part du gouvernement est de 16 %. La part de Gamtel/Gamcel est de 30 %, Gamtel détenant 20 % des 30 %.

La vitesse du service internet dans les zones rurales de la Gambie encore plus mauvaise

Cependant, une enquête menée cette année par LFD Technologies pour le compte de Jokko Labs, deux entreprises technologiques basées en Gambie, révèle que la qualité du service internet dans quatre des huit régions administratives de la Gambie rurale est extrêmement choquante.

Cette enquête visait l’évaluation du niveau de connectivité et d’accessibilité à l’internet dans les régions de Central River, Lower River, North Bank et Upper River. Les chercheurs ont effectué un test approfondi sur la vitesse du service internet de tous les fournisseurs d’accès à l’internet du pays, afin d’obtenir des informations de première main sur la connectivité du service l’internet dans les régions mentionnées.

L’enquête a révélé un facteur essentiel : la connectivité est vraiment insuffisante dans les régions reculées du pays : « Les vitesses de réseau sont extrêmement mauvaises et pas du tout stables. De nombreuses communautés, bien qu’elles disposent de sites cellulaires, n’auront nullement accès au service internet pendant des jours. Les usagers ne bénéficient aucunement des services pour lesquels ils se sont acquittés des frais d’abonnement, » confirment les conclusions du rapport.

Le rapport révèle également que le coût des données est le cauchemar de tous les Gambiens, et pas seulement de ceux qui vivent dans les régions les plus reculées. « Les données mobiles sont d’un coût exorbitant ; c’est la toute première réponse que vous obtiendrez de la plupart des utilisateurs de l’internet lorsque vous abordez le sujet du service Internet en Gambie. Les données sont manifestement inabordables pour les masses, » conclut l’enquête.

« L’étude a révélé que de nombreuses régions n’ont toujours pas accès aux services internet. Cette situation a gravement affecté les personnes vivant dans ces régions. L’accès à l’internet est un droit de l’Homme fondamental, car priver les gens de leur droit à l’information revient à violer leurs droits. Dans certaines communautés comme Jakajary, les habitants doivent se rendre dans les villages voisins pour passer ne serait-ce qu’un simple appel, » a revelé Mr Poncelet O. Ileleji, directeur de JokkoLabs.

Lors de l’enquête, l’accessibilité au temps de communication a été évoquée comme un problème dans de nombreuses communautés. Ceux qui vendent du « Nopal » (achat de temps d’antenne sans carte) se plaignent de la proportion de leurs gains, car les profits issus de la vente sont insignifiants et, par conséquent, la plupart d’entre eux ne peuvent poursuivre leurs opérations. Pour chaque millier de Dalasis, le détaillant ne perçoit qu’une piètre commission de 50 Dalasis. Parfois, les détaillants subissent également de nombreuses pertes, comme l’envoi à un mauvais abonné, et il est très fastidieux de le récupérer, entrainant ainsi d’énormes pertes  pour le détaillant, » ont constaté les chercheurs.

Nouveaux investissements dans les câbles sous-marins

Ces insuffisances en matière de connectivité au service internet ont poussé le gouvernement gambien à lancer de nouveaux investissements pour l’installation d’un deuxième câble international à fibre optique, qui devrait être opérationnel d’ici à 2025.

Le Ministre de la Communication et de l’Economie Numérique, Mr Ousman A. Bah, cité dans l’édition de septembre 2023 de Telecoms Review Africa, a révélé un nouveau financement de la Banque Mondiale pour le câble à fibre optique, dont le coût est estimé entre 30 et 35 millions de dollars et dont le nom de code est « le projet de câble sous-marin Cabral » sous l’égide de la CEDEAO. 

Les pays participants sont, à part la Gambie, la Guinée-Conakry, la fibre s’étendant directement du Cap-Vert à la Gambie.

« Le gouvernement a initialement annoncé son intention de renforcer l’infrastructure nationale de télécommunications à large bande en janvier 2022 en reliant la Gambie à un deuxième câble sous-marin. Depuis 2012, le pays s’est fortement appuyé sur le câble ACE (Africa Coast to Europe) pour les services Internet à haut débit, mais les interruptions fréquentes ont posé des problèmes, » indique la revue, notant que le gouvernement gambien étudie la possibilité d’améliorer la connectivité nationale par le biais de la technologie satellitaire. Bien que cela reste encore à voir.

Le rapport indique que Banjul a l’intention d’accorder toutes les licences nécessaires à la société américaine Starlink d’ici la fin du mois de septembre, et ce, en  vue de la diversification des options d’accès à l’internet au-delà de l’ACE. Cette approche stratégique vise à rendre les services par satellite accessibles sans qu’il soit nécessaire d’installer des câbles physiques, ce qui profitera aux utilisateurs gambiens et non gambiens, » affirment les autorités gouvernementales.