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LA COUR DE HAUTE INSTANCE RENVOIE LE DOSSIER DE YANKUBA TOURAY A LA COUR SUPREME

Nov 5, 2020, 1:13 PM

Le juge Ebrima Jaiteh de la Cour de Haute Instance de Banjul a envoyé en référé la demande d'immunité constitutionnelle de Yankuba Touray devant la Cour Suprême, car n’ayant pas la compétence juridique requise.

Le jugement a été rendu le Lundi 2 Novembre suite à la requête à la Cour de l’avocat de la défense Abdoulie Sisohor de procéder à la mise en liberté de Yankuba Touray pour des raisons d’immunité constitutionnelle conformément au paragraphe 13, alinéas 1 et 5 de la deuxième annexe de la Constitution de 1997.

L’avocat de la défense Sisohor a indiqué qu’aucune Cour de Justice ou tribunal ou organisation ne peut mener des investigations en ce qui concerne les actions ou omissions de l’accusé (Yankuba Touray) en sa qualité de membre du Conseil Provisoire du Gouvernement des Forces Armées (AFPRC) de 1994 à 1997. L’avocat principal a insisté pour dire que la requête ne concernait aucunement l’interprétation de la Constitution, mais plutôt l’application du droit de l’accusé de ne pas être poursuivi par la justice dans la mesure où la Cour de Haute Instance n’a aucune compétence légale pour juger l’affaire.

L’avocat principal Sisohor a indiqué que l’autorité et la compétence de la Cour de Haute Instance à juger l’affaire ont fait l’objet d’un rejet en vertu du paragraphe 13, alinéas 1, 3, 4 et 5 de la deuxième annexe de la Constitution de 1997. Il a donc exhorté la Cour à procéder à la mise en liberté de Mr Touray.

Le Procureur Kimbeng T. Tah a indiqué que le paragraphe 13, alinéas 1 et 5 de la Constitution de 1997 fait référence à des actes commis par des membres de l’AFPRC, des ministres de l’AFPRC ainsi que d’autres cadres et fonctionnaires nommés par l’AFPRC, dans le cadre de l’exécution de leurs fonctions officielles.

Le Procureur General a insisté sur le fait que Yankuba Touray a non seulement l’obligation de fournir des faits et des preuves à la Cour sur la nature exacte de ses fonctions officielles en sa qualité de membre du Conseil Provisoire du Gouvernement des Forces Armées (AFPRC), mais doit également démontrer que le meurtre de Koro Ceesay faisait partie de ses fonctions officielles.

Le Procureur Tah a indiqué que Touray n’a pas fourni assez d’éléments à la Cour pour démontrer que le meurtre dont il est accusé a été commis dans l’exécution de ses fonctions officielles. En l’absence d’éléments de preuve, la demande d’immunité constitutionnelle est prématurée.

Le Procureur Tah a déclaré que le paragraphe 13, alinéa 1, tel qu’il apparait dans la seconde édition de 2002 de la Constitution de 1997, a été rendue non-applicable en vertu de l’affaire Kemeseng Jammeh vs le Procureur General ou la Cour Suprême a déclaré que la modification du paragraphe 13, alinéa 1 par la Loi numéro 6 de 2001 a été réalisée en violation des pouvoirs attribués à l’Assemblée Nationale.

Le Procureur Tah a également déclaré que Yankuba Touray n’a pas droit à l’immunité constitutionnelle tel que garantit par le paragraphe 13, alinéas 1 et 5. Il a indiqué que le paragraphe 13, alinéa 5 de la deuxième annexe de la Constitution de 1997 fait exclusivement référence à tout acte ou omission commis sous l’autorité, l’instruction ou les ordres de l’AFPRC ou d’un membre de l’AFPRC. En l’absence d’éléments de preuve devant la Cour, a-t-il ajouté, la requête d’immunité constitutionnelle était prématurée.

Le Juge Ebrima Jaiteh a maintenu que la compétence de la Cour de Haute Instance est prouvée par l'article 132, paragraphe 1, point b de la Constitution de 1997 qui stipule que son rôle est ‘’d’interpréter et de veiller au respect des droits et libertés fondamentales tel que stipulés par les articles 18 à 33 ainsi que l’article 36 alinéa 5. En vertu de sa compétence dans ce domaine, la Cour dispose du  pouvoir et de l’autorité qui lui sont conférés par la Constitution ou toute autre loi.’’

‘’ Cela signifie que la Cour de Haute Instance ne peut interpréter et faire appliquer que les droits et libertés fondamentales contenues dans les articles 18 à 33 ainsi que l’article 36 alinéa 5 de la Constitution’’ a déclaré le Juge Jaiteh.

Il a déclaré opportun et propice de souligner que la Constitution Gambienne de 1997 confère à la Cour Suprême la compétence initiale et exclusive d’interpréter et de veiller au respect de toute disposition de la Constitution à l’exception des dispositions garanties par les articles 18 à 33 ainsi que l’article 36 alinéa 5 de la Constitution.

‘’ Il est utile de rappeler que le paragraphe 13 de la deuxième annexe qui traite de l’immunité ne relève pas des dispositions des articles 18 à 33 et de l’article 36 alinéa 5 de la Constitution, par conséquent, la Cour de Haute Instance de Gambie ne dispose pas de l’autorité requise pour interpréter et veiller à l’application du paragraphe 13 de la deuxième annexe’’ a indiqué le Juge.

‘’Il a soutenu que seule la Cour Suprême dispose de l’autorité requise en vue de l’interprétation et de l’application du paragraphe 13 de la deuxième annexe de la Constitution de 1997. Le Juge a également tenu à préciser qu’aucune autre Cour, à l’exception de la Cour Suprême, n’a l’autorité requise pour interpréter et veiller à l’application du paragraphe 13 de la deuxième annexe de la Constitution.

Le Juge a exprimé son désaccord avec le Procureur General et les avocats de la Défense en déclarant que le paragraphe 13 de la deuxième annexe ne concerne ni l’interprétation ou la mise en application des dispositions, mais plutôt leur invocation. Le Juge a affirmé que la Cour ne peut invoquer ou faire appliquer une disposition de la Constitution sans procéder au préalable à son interprétation.

‘’ En tout état de cause, toute disposition constitutionnelle doit tout d’abord faire l’objet d’une certaine interprétation, et ce, en vue de déterminer si cette provision peut être invoquée ou renforcée’’, a dit le Juge.

‘’Cette Cour n’a aucune compétence pour statuer sur la question de l’immunité constitutionnelle, et ce, en vertu du paragraphe 13.’’

Le Juge Jaiteh a déclaré que la Cour Suprême de la Gambie est la seule Cour habilitée à statuer sur ce sujet.

Le Juge a renvoyé à la Cour Suprême la question de l’immunité constitutionnelle introduite en vertu du paragraphe 13 alinéas 1, 3, 4 et 5 de la deuxième annexe de la Constitution pour qu’elle se prononce. Le juge a également suspendu le procès en attendant l’issue de la décision de la Cour Suprême. Il a également ordonné au greffier de la Cour de Haute Instance de transmettre à la Cour Suprême une copie de la décision et des argumentations des avocats de l’Etat et de la Défense concernant la question constitutionnelle contenues dans le procès-verbal de la procédure.